Alors que les effets du changement climatique s’intensifient, la COP30 qui vient de s’achever à Belém, au Brésil, s’avère une occasion manquée. Pourtant, un avis consultatif rendu par la Cour internationale de justice (CIJ) à La Haye l’été dernier avait créé un élan juridique inédit.
« COP30 : Belém n’a pas été à la hauteur », lettre ouverte publiée dans La Presse, le 3 décembre 2025
MIRIAM COHENProfesseure à la faculté de droit, Université de Montréal, et chercheuse au Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal
CAMILLE MARTINIDoctorant en droit international du climat à l’Université Laval et Aix-Marseille Université, et membre de la délégation de l’Université Laval à la COP30
Des résultats en demi-teinte
Présentée comme la COP de la mise en œuvre, elle s’est finalement conclue sur un accord minimaliste1, rassemblé dans une décision intitulée « Mutirão global », un terme tupi-guarani signifiant « effort collectif ». Que retenir ?
D’abord, l’incapacité des États à s’entendre sur une trajectoire contraignante de sortie des énergies fossiles. Le texte se limite à une initiative volontaire invitant à « prendre en compte » l’engagement de transition formulé à Dubaï (COP28), sans mention explicite d’une élimination progressive des combustibles fossiles.
Les États rappellent par ailleurs l’engagement de tripler les financements pour l’adaptation d’ici 2035, mais l’accord ne précise ni les sources des fonds ni un calendrier opérationnel, ce qui en affaiblit la portée.
Enfin, les avancées attendues sur l’adaptation demeurent limitées : les indicateurs mondiaux adoptés restent provisoires et devront encore être précisés avant les prochaines échéances internationales.
Malgré quelques annonces sur la protection des forêts et la lutte contre la désinformation climatique, la COP30 laisse un goût amer : aucune mesure contraignante sur les combustibles fossiles, des engagements financiers toujours incertains et un renvoi des discussions les plus délicates à Bonn en juin 2026
Le Canada n’a pas brillé
Sur le plan politique, le Canada a été particulièrement critiqué. Traditionnellement loué pour son rôle de bâtisseur de compromis2, le Canada a cette année reçu le prix satirique « fossile du jour » décerné pendant la COP30 par le réseau d’ONG Climate Action Network International3, une première depuis 2014, en raison de son soutien à de nouveaux projets d’exploitation des énergies fossiles et de l’affaiblissement de ses politiques climatiques.
Sous le gouvernement Carney, plusieurs mesures ont été revues à la baisse4, ce qui a d’ailleurs contribué à la démission de Steven Guilbeault, la semaine dernière, et des incertitudes demeurent quant à l’atteinte des objectifs d’atténuation de 2030 prévus par le Canada. Bien que la cible de carboneutralité en 2050 demeure inscrite dans la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité, la trajectoire pour y parvenir reste floue.
Un avis historique pour la justice climatique
Pourtant, on s’attendait à ce que cette COP30 en Amazonie vienne traduire en actes un appel historique lancé par la Cour internationale de justice l’été dernier. Son avis consultatif5 rendu le 23 juillet 2025 porte sur les Obligations des États en matière de changement climatique, et il marque un tournant dans l’évolution du droit international sur le climat.
Dans son avis, la Cour affirme que les États ont l’obligation de prévenir les dommages significatifs à l’environnement, de coopérer de bonne foi et d’agir avec diligence pour protéger le système climatique mondial.
Les audiences publiques en décembre 2024 avaient permis de mettre face à face les positions des principaux pollueurs mondiaux et celles des États les plus vulnérables, en particulier certains États insulaires dont la survie est littéralement menacée par la montée des eaux.
Cet avis consacre le principe selon lequel l’inaction climatique peut constituer un fait internationalement illicite, engageant la responsabilité des États et ouvrant la voie à des réparations. La Cour insiste également sur le lien entre la protection du climat et l’exercice des droits de la personne : garantir un environnement sain est une condition préalable à la jouissance des droits fondamentaux. Enfin, on appelle la communauté internationale à compléter le droit par une impulsion sociale et politique, formulant, face à l’urgence climatique, l’« espoir que ses conclusions permettront au droit d’éclairer et de guider les actions sociales et politiques visant à résoudre la crise climatique actuelle ». Cet avis offre à la société civile de nouveaux ressorts pour exercer une pression sur les gouvernements.
Une nouvelle arme pour la société civile ?
Si l’avis de la CIJ ne crée pas encore de dynamique concrète aux COP, il pourrait en revanche transformer en profondeur le contentieux climatique interne. Par exemple, dans une affaire portée par deux chefs de la nation Wet’suwet’en, la Cour fédérale du Canada a ouvert la porte à l’examen, à l’avenir, d’arguments mobilisant le droit international coutumier, en se référant directement à l’avis de la CIJ.
La déception de la COP30 ne doit donc pas diluer la transformation plus profonde en cours : le droit international et national sur le changement climatique avance.
Le climat n’est plus uniquement une affaire politique ; il s’agit d’une question de respect des règles juridiques. Reste à espérer que les tribunaux nationaux et la mobilisation citoyenne prendront le relais.
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