Les cours internationales à l’heure de la transformation de l’ordre mondial | Droit Montréal


Par Olouwafêmi Rodrigue OLOUDÉ, dans la revue Droit Montréal N°31/2025
 
 
 
 
En ces temps de multiples crises globales, les cours et tribunaux internationaux tiennent une place fondamentale dans le maintien de l’ordre juridique international, en apportant des solutions pacifiques aux différends et en protégeant les droits humains et l’état de droit international. Dans ce cadre, la Cour internationale de justice (CIJ), la Cour pénale internationale (CPI) et le Tribunal international du droit de la mer (TIDM) jouent un rôle crucial. Ces juridictions incarnent la volonté collective de soumettre certains litiges à des tribunaux supranationaux, d’éclairer certaines questions de droit international et de poursuivre les crimes les plus graves commis par des individus. Quels sont leurs rôles dans la justice internationale et à quels défis sont-elles confrontées? En analysant ces trois cours internationales, nous discuteront des enjeux et perspectives de la justice internationale.

 
La Cour internationale de justice (CIJ)
La CIJ, créée en 1945 et basée à La Haye, est l’organe judiciaire principal des Nations Unies. Ainsi, dans sa fonction contentieuse, la Cour – dont il s’agit de la mission première – est chargée de régler, conformément au droit international, les litiges qui lui sont soumis par les États. Elle n’a donc pas juridiction sur les individus, mais uniquement sur les différends entre États, tels que les conflits frontaliers, les questions de souveraineté, ou les violations des traités internationaux. Tout comme son ancêtre, la Cour permanente de justice internationale (CPJI), la CIJ a pour raison d’être de favoriser le règlement non violent des désaccords entre États. En dehors de cette fonction contentieuse, la CIJ dispose d’un rôle consultatif lui permettant d’être consultée, relativement à toute question de droit, par un organe ou une institution spécialisée des Nations Unies. Notamment, c’est à ce titre que la Cour – saisie par l’Assemblée générale des Nations Unies (A/RES/77/276 du 29 mars 2023) voulant donner suite aux initiatives de certains petits États insulaires – se penche présentement sur les obligations qui incombent aux États pour lutter contre le changement climatique et les conséquences juridiques qui doivent en découler à l’aune du droit international.
 
Le Tribunal international du droit de la mer (TIDM)
Le TIDM, créé en 1982 par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (Convention de Montego Bay) et siégeant à Hambourg, est officiellement entré en fonction en 1996. Sa compétence, restreinte au domaine du droit de la mer, lui permet de connaître des différends soumis par les États ou les organisations internationales et se rapportant à l’interprétation et l’application de la convention dont elle émane. Le TIDM dispose également d’une compétence consultative. C’est faisant usage de cette compétence que le Tribunal a récemment rendu son avis – datant du 21 mai 2024 – portant sur les obligations des États en matière de lutte contre les effets néfastes du changement climatique sur le milieu marin.
Tout en étant auréolée d’un bilan globalement apprécié, notamment une jurisprudence en constante évolution, cette juridiction partage avec ses « consœurs » de nombreux écueils.
 
La Cour pénale internationale (CPI)
La CPI, aussi basée à La Haye, a été créée en 2002 par le Statut de Rome. Elle se concentre sur les crimes graves affectant l’ensemble de la communauté internationale, tels que le génocide, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et, plus récemment, le crime d’agression. Contrairement à la CIJ, la CPI a compétence sur les individus, et non sur les États.
Cette juridiction permanente à vocation universelle, dont l’avènement a été perçu comme une avancée majeure en droit international pénal, a très tôt dû faire face à des controverses qui perdurent. En effet, plusieurs examens préliminaires ouverts par le Bureau du procureur ont valu à la Cour l’hostilité de dirigeants mis en cause ou de leurs États.  À titre illustratif, la Russie, en réaction aux conclusions du Bureau du procureur sur la situation en Ukraine, a privé d’effet sa signature au Statut de Rome. Singulièrement, des poursuites entreprises contre des chefs d’États en exercice, notamment les mandats d’arrêt contre Omar Al Bashir, Vladimir Poutine, Benyamin Nétanyahou et les citations à comparaitre contre Uhuru Kenyatta, ont provoqué de véhémentes oppositions et ne semblent pas pouvoir un jour prospérer. L’appétence de la Cour pour les dirigeants africains a particulièrement irrité l’Union Africaine, entrainant un refus de coopérer à l’exécution de ses décisions[1].
Au total, dans l’accomplissement de sa mission qui est de mettre fin à l’impunité des auteurs des crimes les plus graves et de dissuader d’autres individus de les commettre, la CPI a ouvert une vingtaine d’enquêtes et engagé une trentaine d’affaires. Elle a prononcé une dizaine de condamnations, dont la dernière est celle d’Abdoul Aziz Al Hassan à 10 ans d’emprisonnement, prononcée le 20 novembre 2024, pour des crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis à Tombouctou, entre le 2 avril 2012 et le 29 janvier 2013, pendant que cette partie du territoire malien était sous le contrôle des groupes Armés d’Ansar Dine et Al Qaïda au Maghreb islamique. Ce bilan – corollaire de la politisation de la Cour, de la défiance à son égard et de ses dysfonctionnements internes – déteint sur sa crédibilité et, partant, sur son efficacité.
 
Les défis de la justice internationale
Malgré leurs contributions, les cours internationales font face à des défis importants. Le premier est l’aspect coercitif : en l’absence de forces policières, ces cours internationales dépendent largement de la volonté des États. Même si les décisions de la CIJ sont juridiquement contraignantes à l’égard des États parties au litige, leur exécution reste tributaire de la coopération des États parties. De la même manière, la CPI, sans mécanisme propre d’application, dépend des autorités nationales pour arrêter et transférer les suspects, ce qui peut compliquer les procédures.
Un autre défi majeur est le financement de ces cours. La justice internationale, en particulier la CPI, requiert des ressources financières importantes pour mener des enquêtes approfondies et garantir des procès équitables. Or, les contributions des États parties ne suffisent pas toujours, et certains États membres retardent leurs paiements, ce qui met en péril les opérations de la cour.
 
Perspectives d’avenir
Pour que la justice internationale puisse adéquatement remplir son rôle, une meilleure coopération entre les États est essentielle, notamment pour l’exécution des décisions des cours internationales. Elle favoriserait indéniablement l’amélioration de l’efficacité de la CIJ, de la CPI et du TIDM.
Particulièrement, promouvoir une adhésion plus large au Statut de Rome permettrait d’accroître la compétence de la CPI. Une adoption universelle constituerait, en effet, un engagement mondial au profit de la lutte contre l’impunité. Mais cette promotion doit aller de pair avec celle de l’objectivité de la Cour.
En somme, les cours internationales jouent une indispensable partition dans le système de justice internationale. Bien que leur rôle et leur efficacité soient souvent remis en question, elles représentent un espoir pour les victimes de crimes graves et un instrument essentiel pour la paix et la sécurité internationales. Dans un ordre mondial en crise, le droit international est plus important que jamais pour juguler les tensions entre États et protéger les populations ainsi que l’environnement.
 
[1] Julian Fernandez, Droit international pénal, 3e éd, coll. Manuel, Paris-La Défense, LGDJ, 2024, p. 127‑158.
 
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